photo Marine Sanna

Poète. Parce que je reconnais l’existence du vent qui modèle l’argile du sens avec ma main. Parce que je suis amoureuse. Surtout parce que je suis sur un fil. Dans ce travail fou d’échapper sans cesse aux catégories pour apercevoir quelque chose de vrai entre un dévoilement/voilement permanent. Je perds mes identités dans le faire du dire et me repère vers la route d’un sommet pour revenir avec un goût du jeu de l’échange plus cosmique et très sérieux. Plus le jeu est sérieux et plus le rire est extatique. Je me démesure dans l’exploration des étages et ramène le chant polyphonique de mon âme en me reliant toujours plus sensuellement et sensoriellement à la terre qui est toujours l’autre, au commun de l’expérience, grâce aux mots.

J’écris. Par l’écriture j’explore, me transfigure, approfondis la sensualité du corps-univers, laisse émerger les questions. Par elles, évoluer. Je suis influencée par toutes sortes de poèmes venant du monde entier, mes origines catalanes, l’époque médiévale notamment ses écrits mystiques, les poètes qui m’entourent mais surtout par les expériences auxquelles me mène un fort désir de libération.

Et je pulse les poèmes que j’écris. C’est-à-dire avec la voix, le corps, parfois des instruments, des objets et aussi avec des danseurs, des musiciens compositeurs ou des poètes sonores. J’ai choisi de parler de poésie pulsée pour évoquer la pratique vivante de la poésie qui cherche à sentir son pouls en même temps que celui des cosmos.  

Les poèmes pulsés ont pour titre île île île, magrana, putain vachement, je suis trop propre, clef en cercles, ton bouche … Je les pulse dans des salles de spectacle, devant un chêne, dans un olivier, dans des bars, dans des librairies, à la radio, dans les rues parallèles des salons du livre, et quand je ne suis pas invitée je vais quand même réciter un poème dans la rue, dehors, parce que c’est surtout là que la nécessité du lien avec le cosmos agit et qu’on rend aux chemins leur magnétisme, au moins leurs couleurs, peut-être leurs textures.

photo Marine Sanna
photo Fred WallIch

Parmi les réunions collectives auxquelles nous nous rendons, il y a celles qui n’ont d’autres buts que l’échange du rien, le « don du rien », qui dans certains cas peut passer par une pratique de presque dépossession de soi. Ainsi, avec la voix, le corps, parfois des instruments, je cherche à ce que le poème nous permette le passage à un autre état de conscience comme les danses de transe le permettent. Le poème révèle une des fonctions du langage : celle de créer des corps nouveaux ou plus exactement des variations de structures, des nouvelles façons de marcher, des sorties vers nulle part. Le poème est un chemin offert vers nulle part. Ce déplacement sensationnel que le poème procure à l’intérieur de soi, j’ai du plaisir à en fêter collectivement la magie à travers sa performance. Aussi, en tentant de sentir l’intensité vibratoire derrière le sens et le rythme du poème, son espace sensoriel, je trouve parfois d’autres prononciations voire une communication non-verbale.

La publication papier est un medium important de mon travail et je la pense essentiellement avec le graphiste Régis-Glass Togawa qui a réalisé le design de Mont Reine (éd. Supernova), Putain Vachement (éd. Tremendes), Dehors Dehors (éd. Lanskine), Je suis amoureuse, (éd. Lanskine).  On peut lire aussi des nouvelles dans la revue Pan et des poèmes dans d’autres revues (Pang, Gonzine, L’Intranquille, l’hôte etc. ). Héritage familial et vie de frontière m’ont appris le catalan. J’ai traduit le premier recueil de la poète catalane Maria-Mercè Marçal, Tanière de lunes (éd. Supernova) et publie des traductions en catalan de mes poèmes.

En 2017 je fonde l’association Radio O pour donner de la force sensible aux pratiques orales et sonores de la poésie.
J’initie deux perles : la revue OR, revue papier de poésie sonore et visuelle grâce à une application de réalité augmentée et Radio O, une webradio aléatoire de poésie et de musique. Mais cette force, elle se donne aussi lors des soirées que j’organise où poètes de tous horizons se retrouvent dans des lieux dédiés ou non à la culture  http://v1.radioo.online/.

Aujourd’hui, je fais pousser une association de poésie pulsée dans une ferme du Morvan : La Perle.